Revenons sur les décisions qui ont été prises à l’occasion du Sommet International de la Gouvernance, qui vient de s’achever au Brésil. Comme nous l’avions vu, ce sommet avait pour but de s’affranchir de la mainmise américaine sur Internet en redéfinissant les contours de la régulation du réseau mondial.
Le pari semblait difficile étant donné les intérêts et les revendications diverses des différents acteurs mais, à l’issue du Sommet, les participants ont réussi à se mettre d’accord sur une déclaration commune retranscrite dans un document de onze pages.
Pourtant cette déclaration finale ne satisfait pas tous les acteurs impliqués : elle se base sur des déclarations de principe relativement « édulcorées », et n’évoque pas les sujets les plus sensibles, les plus contraignants et surtout les plus attendus… La déclaration omet notamment le principe de la neutralité du Net (c’est-à-dire tendre à l’universalité sur Internet, faire en sorte que tous les fournisseurs de contenus soient traités à l’identique sur le web). Pour le Brésil qui s’est battu pour ce principe, il s’agit d’une réelle déception. Le terme «neutralité du net » figure toutefois à la fin de la déclaration dans les sujets « à discuter dans le futur »…
La plupart des participants soulignent tout de même des avancées notables et insistent sur le fait que ce Sommet a eu le mérite de lancer plusieurs grands débats, bien qu’ils méritent encore d’être approfondis.
L’assemblée a notamment condamné l’espionnage des communications privées sur le web.
Un certain nombre d’autres principes ont été posés dans la définition d’un mode de gouvernance mondial permettant de tendre vers « un réseau stable, décentralisé, sûr, interconnecté et accessible à tous ». Parmi eux :
- les droits de l’homme
- un renforcement de la coopération internationale sur la juridiction et l’assistance judiciaire
- une amélioration de la cybersécurité (promouvoir la cybersécurité et lutter contre le cybercrime)
Qu’en-est-il pour la France ?
Pour Axelle Lemaire (Secrétaire d’Etat au numérique) le bilan semble plutôt positif : le Sommet a permis de valider une série de grands principes de liberté d’expression mais a surtout permis de lancer et d’ouvrir des débats. Son discours lors du Sommet est accessible via ce lien. Le plus important reste le projet de réforme de l’ICANN : la France souhaite une participation plus active des Etats au sein de cette société privée, alors que les gouvernements donnent simplement leurs avis à l’heure d’aujourd’hui.
« Ce ne doit plus être une société privée californienne qui s’internationalise, mais bien un organisme de droit international qui représente toutes les parties prenantes. Ce n’est pas ce qui a été acté à São Paulo. Mais il y a quand même beaucoup de choses où l’on est d’accord » explique Axelle Lemaire.
Pour d’autres, le bilan est plus contrasté. Le porte-parole de l’association française La Quadrature du Net (une association de défense des droits et libertés des citoyens sur Internet), Jérémie Zimmermann, se dit clairement déçu : « Le texte a été massacré, la société civile balayée. La déclaration finale est un compromis mou et inutile, qui ne propose aucune mesure concrète. » Le débat est donc houleux !
La plupart des participants au NETmundial se retrouveront en septembre à Istanbul pour une réunion de l’Internet Gouvernance Forum (IGF), pour aborder les débats déjà enclenchés au Brésil. De plus, un Comité de Concertation, ouvert à tous, consacré aux enjeux de la gouvernance de l’Internet aura lieu le 26 mai prochain et reviendra sur les débats ouverts lors du Sommet et ses perspectives d’évolution.